La naissance de l’Institut d’Études Romanes de la Faculté des Lettres de l’Université Charles, département le plus ancien en son genre dans le pays, remonte à 1882, l’année de la séparation de l’Université, alors appelée « Charles-Ferdinand », en deux parties, allemande et tchèque. C’est Jan-Urban Jarník, collaborateur proche de Friedrich Christian Diez et spécialiste de roumain, d’albanais et de linguistique comparée, qui a fondé le premier Séminaire d’Études Romanes en tchèque dans le cadre de l’Autriche-Hongrie. (L’université allemande, elle, bénéficiait d’une longue tradition d’études romanes représentée par d’autres élèves de Diez, Wendelin Foerster ou Jules Cornu.) En 1898, Jarník est devenu professeur titulaire de français, d’italien et de roumain. Les études étaient à l’époque concentrées sur la diachronie des langues romanes, toutes issues du latin, ainsi que sur les chefs-d’œuvre de la littérature mondiale. Les langues et littératures romanes modernes n’étaient pas encore enseignées et le public était presque exclusivement masculin. Autour de la romanistique praguoise gravitaient d’éminentes personnalités, telles que le poète et traducteur Jaroslav Vrchlický, le critique littéraire F. X. Šalda, l’écrivain et historien de la littérature Václav Tille, le poète et dramaturge Hanuš Jelínek, le spécialiste de l’évolution comparée des langues romanes Maxmilián Křepinský ou Josef Kopal, auteur de la monumentale Histoire de la littérature française allant des origines aux années 1940. Dans le contexte intellectuel de la Première République tchécoslovaque, certains romanistes praguois ont contribué à la fondation de l’Université Comenius à Bratislava. En même temps, de nombreux liens se sont tissés, d’une part, avec des linguistes et phonéticiens français et, de l’autre, avec les formalistes russes qui faisaient partie du Cercle linguistique de Prague (dont les fameux Travaux paraissaient en français à l’époque). Dans la seconde moitié des années 1940, Václav Černý a provoqué par ses cours de littérature un tel engouement public que les étudiants, ainsi que des Praguois curieux, remplissaient l’amphithéâtre, s’asseyaient par terre et occupaient l’ensemble des fenêtres ouvertes. Černý se concentrait avant tout sur le modernisme et l’existentialisme, auquel il a consacré deux de ses Cahiers célèbres. Le régime communiste a apporté, d’une part, une certaine modernisation institutionnelle (réforme du système d’études, focalisation sur des langues et littératures plus contemporaines, possibilité pour les étudiants de choisir une ou deux langues au lieu d’embrasser l’ensemble de la romanistique) et, de l’autre, une censure idéologique très dure. Václav Černý, comme tant d’autres, a été interdit d’enseigner (son héritage ne sera développé que beaucoup plus tard, par ses anciens élèves Jiří Pelán, Václav Jamek, etc.) et, sous l’égide du très fervent communiste Jan Otakar Fischer, les études de la littérature française ont commencé à se résumer au « réalisme critique », interprété selon le canon socio-marxiste. À partir des années 1960, l’accent mis sur les langues vivantes, en l’occurrence le français, l’espagnol, l’italien, le portugais et le roumain, a mené à la nécessité d’engager plusieurs lecteurs étrangers. Des conventions ont été signées d’abord avec la France et la Roumaine, suivies de Cuba, tandis que l’Espagne franquiste et le Portugal salazarien ont dû changer de régime avant d’être contactés. Un structuralisme plus ou moins marxisant dominait la méthodologie des études linguistiques (Oldřich Tichý) et littéraires (Oldřich Bělič) même pendant le dégel des années 1960 et ladite « normalisation » n’a fait que renforcer cette tendance. Après 1989, l’Institut d’Études Romanes a procédé à une mise à jour assez radicale. Débarrassés du carcan méthodologique communiste, les programmes se sont progressivement ouverts à l’étranger via Erasmus et d’autres cadres internationaux. La focalisation exclusive sur la France a cédé la place à une perspective francophone plus large, incluant le Canada, la Belgique, le Maghreb et certains pays de l’Afrique subsaharienne. Le numerus clausus relatif aux étudiants admis a été considérablement augmenté, le « Français pour enseignants » ajouté aux programmes d’études et le financement de la recherche a été réformé pour permettre à l’Institut de mieux intégrer les grands projets européens. L’internationalisation se poursuit sur tous les plans, de sorte que la proportion des étudiants et, dans une moindre mesure, celle des enseignants étrangers augmente d’année en année. Après presque 140 ans d’une histoire bien mouvementée, l’Institut d’Études Romanes s’avère être un établissement contemporain, muni d’une équipe relativement jeune et dynamique et orienté vers l’enseignement et la recherche internationaux.